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plaisir qui l’attend, Pierre m’écoute avec impatience. Enfin, poussé à bout par cet égoïsme brutal, je passe des remontrances aux reproches ; je le déclare responsable des suites que peut avoir, pour le malade, un pareil abandon.

Cette fois, le relieur, qui va partir, s’arrête.

— Mais, tonnerre ! que voulez-vous que je fasse ? s’écrie-t-il, en frappant du pied : est-ce que je suis obligé de passer mon carnaval à faire chauffer des bains de pied, par hasard ?

— Vous êtes obligé de ne pas laisser mourir un camarade sans secours ! lui dis-je.

— Qu’il aille à l’hôpital alors !

— Seul, comment le pourrait-il ?

Pierre fait un geste de résolution.

— Eh bien, je vas le conduire, reprend-il ; aussi bien, j’aurai plus tôt fait de m’en débarrasser… Allons, debout, pays !

Il secoue son compagnon qui n’a point quitté ses vêtements. Je fais observer qu’il est trop faible pour marcher ; mais le relieur n’écoute pas : il le force à se lever, l’entraîne en le soutenant, et arrive à la loge du portier qui court chercher un fiacre.