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qu’il a donné à ces jours libres annonce la fin des banquets et le mois d’abstinence qui doit suivre. Carn-à-val signifie, mot à mot, chair à bas ! C’est un adieu de quarante jours aux « benoîtes poulardes et gras jambons » tant célébrés par le chantre de Pantagruel. L’homme se prépare à la privation par la satiété, et achève de se damner avant de commencer à faire pénitence.

Pourquoi, à toutes les époques et chez tous les peuples, retrouvons-nous quelqu’une de ces fêtes folles ? Faut-il croire que, pour les hommes, la raison est un effort dont les plus faibles ont besoin de se reposer par instants ? Condamnés au silence d’après leur règle, les trappistes recouvrent une fois par mois la parole, et, ce jour-là, tous parlent en même temps, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher. Peut-être en est-il de même dans le monde. Obligés toute l’année à la décence, à l’ordre, au bon sens, nous nous dédommageons, pendant le carnaval, d’une longue contrainte. C’est une porte ouverte aux velléités incongrues jusqu’alors refoulées dans un coin de notre cerveau. Comme aux jours des saturnales, les esclaves