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L’un, frappé par l’arrêt irrévocable du destin, était né aveugle, tandis que l’autre jouissait de toutes les joies que donne la lumière. Ce dernier fier de ses avantages, raillait la cécité de son frère et dédaignait sa compagnie. Un matin que l’aveugle voulait sortir avec lui :

— À quoi bon, lui dit-il, puisque les dieux n’ont mis rien de commun entre nous ? Pour moi la création est un théâtre où se succèdent mille décorations charmantes et mille acteurs merveilleux ; pour vous ce n’est qu’un abîme obscur au fond duquel bruit un monde invisible. Demeurez donc seul dans vos ténèbres, et laissez les plaisirs de la lumière à ceux qu’éclaire l’astre du jour.

À ces mots, il partit, et le frère abandonné se mit à pleurer amèrement. Le père, qui l’entendit, accourut aussitôt et s’efforça de le consoler en promettant de lui accorder tout ce qu’il désirerait.

— Pouvez-vous me rendre la vue ? demanda l’enfant.

— Le sort ne le permet pas, dit le magicien.

— Alors, s’écria l’aveugle avec emportement, je vous demande d’éteindre le soleil !