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je sentis celle-ci se dissiper peu à peu. Je commençai par sourire de ma promptitude d’impression ; puis, à mesure que la pluie devenait plus abondante et plus froide, mon ironie se changeait en mauvaise humeur. J’accusais, tout bas, la manie de prendre ses sensations pour des avertissements. Le fermier et ses fils n’étaient-ils pas libres, après tout, de vivre seuls, de chasser, d’avoir des chiens et de tuer un pourceau ? où était le crime ? Avec moins de susceptibilité nerveuse j’aurais accepté l’abri qu’ils m’offraient, et je dormirais chaudement, à cette heure, sur quelques bottes de paille, au lieu de cheminer péniblement sous la bruine ! Je continuai ainsi à me gourmander moi-même jusqu’à Montargis, où j’arrivai vers le matin, rompu et transi.

Cependant lorsqu’au milieu du jour je me levai reposé, j’étais instinctivement revenu à mon premier jugement. L’aspect de la ferme se représentait à moi sous les couleurs repoussantes qui, la veille, m’avaient déterminé à fuir. J’avais beau soumettre mes impressions au raisonnement, celui-ci finissait, lui-même, par se taire, devant cet