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M. Rateau est un homme de sens, qui a beaucoup observé et qui parle peu, ce qui fait qu’il a toujours quelque chose à dire.

En parcourant les états que j’avais dressés pour lui, ses regards sont tombes sur mon mémorial, et il a bien fallu lui avouer que j’écrivais ainsi chaque soir, pour moi seul, le journal de mes actes et de mes pensées. De proche en proche, j’en suis venu à lui parler de mon rêve de l’autre jour et de mes réflexions à propos de l’influence des objets visibles sur nos sentiments habituels ; il s’est mis à sourire :

— Ah ! vous avez aussi mes superstitions, a-t-il dit doucement. J’ai toujours cru, comme vous, que le gîte faisait connaître le gibier ; il faut seulement pour cela un tact et une expérience sans lesquels on s’expose à bien des jugements téméraires. Pour ma part, je m’en suis rendu coupable en plus d’une occasion ; mais quelquefois aussi j’ai bien préjugé. Je me rappelle surtout une rencontre qui remonte aux premières années de ma jeunesse…

Il s’était arrêté; je le regardai d’un air qui lui