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priait près du vieillard résigné, et ma sœur, roulée sur quelques lambeaux dont on lui avait fait un lit, pleurait tout bas en tenant ses pieds nus dans ses petites mains bleuies.

C’était une page du livre que je venais de lire, transportée dans ma propre existence.

J’avais le cœur oppressé d’une inexprimable angoisse. Accroupi dans un coin, les yeux fixés sur ce lugubre tableau, je sentais le froid me gagner lentement, et je me disais avec un attendrissement amer :

— Mourons, puisque la misère est un cachot gardé par les soupçons, l’insensibilité, le mépris, et d’où l’on tenterait en vain de s’échapper ; mourons, puisqu’il n’y a point pour nous de place au banquet des vivants !

Et je voulus me lever pour rejoindre ma mère et attendre l’heure suprême à ses pieds…

Cet effort a dissipé le rêvé; je me suis réveillé en sursaut.

J’ai regardé autour de moi ; ma lampe était mourante, mont poêle refroidi, et ma porte entr’ouverte laissait entrer une bise glacée ! Je me suis