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de ressaisir le fil de la lecture interrompue.

Au fait, cette lecture, qui m’avait d’abord captivé, m’était devenue pénible. J’avais fini par trouver les tableaux de l’écrivain trop sombres. Cette peinture des misères du monde me semblait exagérée ; je ne pouvais croire à de tels excès d’indigence ou de douleur ; ni Dieu, ni la société ne devaient se montrer aussi durs pour les fils d’Adam. L’auteur avait cédé à une tentation d’artiste ; il avait voulu élever l’humanité en croix, comme Néron brûlait Rome, dans l’intérêt du pittoresque !

À tout prendre, cette pauvre maison du genre humain, tant refaite, tant critiquée, était encore un assez bon logement : on y trouvait de quoi satisfaire ses besoins, pourvu qu’on sût les borner ; le bonheur du sage coûtait peu et ne demandait qu’une petite place !…

Ces réflexions consolantes devenaient de plus en plus confuses…. Enfin mon livre glissa à terre sans que j’eusse le courage de me baisser pour le reprendre, et, insensiblement gagné par le bien-être du silence, de la demi-obscurité et de la chaleur, je m’endormis.