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Et comme je lui demandais des détails :

— C’est simple comme bonjour, a-t-il continué. Après la grande débâcle de Waterloo, j’étais demeuré trois mois aux ambulances pour laisser à ma jambe de bois le temps de pousser. Une fois en mesure de réemboîter le pas, je pris congé du major et je me dirigeai sur Paris, où j’espérais trouver quelque parent, quelque ami ; mais rien, tout était parti, ou sous terre. J’aurais été moins étranger à Vienne, à Madrid, à Berlin ! Cependant, pour avoir une jambe de moins à nourrir, je n’en étais pas plus à mon aise ; l’appétit était revenu, et les derniers sous s’envolaient.

À la vérité, j’avais rencontré mon ancien chef d’escadron, qui se rappelait que je l’avais tiré de la bagarre à Montereau en lui donnant mon cheval, et qui m’avait proposé chez lui place au feu et à la chandelle. Je savais qu’il avait épousé, l’année d’avant, un château et pas mal de fermes ; de sorte que je pouvais devenir à perpétuité brosseur d’un millionnaire, ce qui n’était pas sans douceur. Restait à savoir si je n’avais rien de mieux à faire. Un soir je me mis à réfléchir.