— Que leur diriez-vous, père ? demande le jeune garçon avec curiosité.
— Je dirais d’abord à la femme qui s’afflige, en me regardant, de donner ses larmes à d’autres malheurs, car chacune de mes blessures rappelle un effort tenté pour le drapeau. On peut douter de certains dévouements ; le mien est visible ; je porte sur moi des états de service écrits avec le fer et le plomb des ennemis ; me plaindre d’avoir fait mon devoir, c’est supposer qu’il eût mieux valu le trahir.
— Et que répondriez-vous au paysan, père ?
— Je lui répondrais que pour conduire paisiblement la charrue, il faut d’abord garantir la frontière, et que tant qu’il y aura des étrangers prêts à manger notre moisson, il faudra des bras pour la défendre.
— Mais le jeune savant aussi a secoué la tête, en déplorant un pareil emploi de la vie ?
— Parce qu’il ne sait pas ce que peuvent apprendre le sacrifice et la souffrance ! Les livres qu’il étudie nous les avons pratiqués, nous, sans les connaître ; les principes qu’il applaudit, nous les