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Mais mon père emportait secrètement un croûton de pain qu’il cachait dans sa boîte d’herborisation, et, sortant de Paris dès le point du jour, il allait s’enfoncer dans la vallée de Montmorency, dans le bois de Meudon ou dans les coulées de la Marne. Enivré par l’air libre, par la pénétrante senteur de la sève en travail, par les parfums des chèvre-feuilles, il marchait jusqu’à ce que la faim et la fatigue se fissent sentir. Alors il s’asseyait à la lisière d’un fourré ou d’un ruisseau : le cresson d’eau, les fraises des bois, les mûres des haies, lui faisaient tour à tour un festin rustique ; il cueillait quelques plantes, lisait quelques pages de Florian alors dans sa première vogue, de Gessner qui venait d’être traduit, ou de Jean-Jacques dont il possédait trois volumes dépareillés. La journée se passait dans ces alternatives d’activité et de repos, de recherches et de rêveries jusqu’à ce que le soleil, à son déclin, l’avertît de reprendre la route de la grande ville où il arrivait, les pieds meurtris et poudreux, mais le cœur rafraîchi pour toute une semaine.

Un jour qu’il se dirigeait vers le bois de Viroflay