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que l’heure est venue d’en déduire la leçon.

Placé dès l’âge de douze ans chez un de ces collectionneurs-commerçants qui se sont donné le nom de naturalistes, parce qu’ils mettent la création sous verre pour la débiter en détail, mon père avait toujours mené une vie pauvre et laborieuse. Levé avant le jour, tour à tour garçon de magasin, commis, ouvrier, il devait suffire seul à tous les travaux d’un commerce dont son patron récoltait tous les profits. À la vérité, celui-ci avait une habileté spéciale pour faire valoir l’œuvre des autres. Incapable de rien exécuter, nul ne savait mieux vendre. Ses paroles étaient un filet dans lequel on se trouvait pris avant de l’avoir aperçu. Du reste, ami de lui seul, regardant le producteur comme son ennemi, et l’acheteur comme sa conquête, il les exploitait tous deux avec cette inflexible persistance qu’enseigne l’avarice.

Esclave toute la semaine, mon père ne rentrait en possession de lui-même que le dimanche. Le maître naturaliste, qui allait passer le jour chez une vieille cousine, lui donnait alors sa liberté à condition qu’il dînerait à ses frais et au dehors.