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la bretagne et les bretons.

dit silencieusement le bras, et me fit voir douze fosses creusées d’avance. Rien ne peut rendre l’impression que me causa cette réponse faite naturellement et sans ostentation. Dans sa muette énergie, elle contenait toutes les croyances du paysan breton, qui, insoucieux des secours humains, se regarde comme une feuille roulée au souffle de Dieu, et sans force pour résister à son impulsion toute-puissante. On conçoit facilement avec quelle rapidité dut s’étendre la maladie sur une population ainsi livrée sans défense à ses coups. Chaque maison compta bientôt un mort. Les ressources de certaines communes ne suffirent pas pour faire don d’une châsse aux cadavres d’indigens. Les chariots ne pouvaient les transporter assez vite jusqu’au cimetière de la paroisse souvent fort éloigné ; des mères furent obligées de prendre dans leurs bras les cadavres de leurs