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les derniers bretons.

bats laissaient bien peu de place dans les cœurs pour une vulgaire pitié. Puis ces bandes d’émigrans étaient devenues horribles à voir. Toutes les misères, toutes les infirmités, toutes les horreurs sociales semblaient avoir pris jour pour se montrer à la face du soleil. On eût dit que la pauvreté, qui se cache habituellement avec tant de soin, avait subitement perdu sa honte et voulait se montrer dans toute sa laideur. La compassion avait même bientôt cédé à la peur, quand on avait vu ces bandes de mendians se grossir chaque jour. Elles traversaient incessamment les villes, les bourgs, les hameaux, disputant aux chiens sans maitres les immondices jetées devant les portes. Parfois un enfant ou une femme, plus faible que le reste de la troupe, venait tomber près de quelque seuil ; et la bande passait, emportée par la faim, en continuant