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les derniers bretons.

La révolution déborda sur la France sans que Philopen s’aperçût du grand mouvement social qui s’opérait autour de lui. Le seul pouvoir que connût l’enfant de la grève était celui de la tempête. La cloche de son village, à lui, c’était la voix de la grande mer ; son champ, la baie houleuse qui lui apportait des débris ; ses uniques croyances, le froid et la faim. Pendant que les villes plantaient leurs arbres de la liberté et clouaient leurs guillotines ; que les paroisses les plus reculées se remuaient menaçantes et redemandaient leurs prêtres envoyés en Angleterre, et leurs cloches jetées aux fonderies de canons de la république, Philopen, étranger à tout, écoutait les vents et attendait l’orage sur son rocher. Chaque jour, des proscrits traversaient sa grève déserte pour chercher un abri dans la montagne, ou quelque barque qui les attendait dans une cri-