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Nos époux le suivirent, en conséquence, jusqu’aux bords de la baie qu’il fallait traverser.

Des batteries de mortiers-postes avaient été établies sur les deux rives pour le passage. Un conducteur ouvrit la plus grosse pièce par la culasse, et fit entrer nos trois voyageurs, qui s’assirent au milieu d’une bombe soigneusement rembourrée. Marthe ne put se détendre d’une certaine émotion en se trouvant placée, comme une gargousse, au fond d’un canon ; mais l’académicien entreprit de lui expliquer les avantages de cette manière de passer les rivières. Il était encore au milieu de sa démonstration, lorsque la jeune femme entendit crier :

« Feu ! »

Au même instant, elle se sentit emportée, et, traversant les airs avec la rapidité de la foudre, elle se retrouva sur l’autre rive, au milieu d’une vingtaine de bombes fumantes qui venaient également d’arriver.

M. Atout leur déclara alors qu’ils allaient continuer par l’une des routes souterraines qui traversaient l’île.

« Avant les progrès de la civilisation, dit-il, on construisait les chemins sur terre ; mais ils devinrent insensiblement si nombreux, qu’ils envahirent presque toute la surface du globe. Le sol ne portait plus que des rails de fonte, et on s’aperçut qu’à force de multiplier les voies de transport, on touchait au moment de n’avoir plus rien à transporter. Ce fut alors que vint l’idée de tracer les routes, non sous le ciel, mais sous la terre, et l’expérience a prouvé la supériorité du nouveau système. Grâce à lui on ne perd que la vue ! On peut voya-