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Ainsi que l’académicien l’avait deviné, madame Atout attendait Marthe et Maurice ; mais bien que ce dernier l’eût aperçue la veille, il ne put la reconnaître ; la réalité et l’apparence ne formaient plus qu’un seul être. La femme était entrée dans le corset de manière à y disparaître ; le corset seul restait visible ; lui seul vivait ; madame Atout n’en était plus que l’organe moteur !

Maurice s’inclina confondu, et ne put s’empêcher de murmurer, en sa qualité d’orientaliste :

— Le corsetier est grand !…

Quant à Marthe, qui n’était point dans le secret, elle crut voir ce qu’elle voyait, et admira !

Madame Atout n’avait rien négligé pour faire valoir des beautés qui sortaient de chez le meilleur faiseur de Sans-Pair. Sa robe de soie amarante ne descendait qu’au genou, et son pantalon, de gaze blanche, laissait voir vaguement une jambe rose d’une merveilleuse élégance. Le visage maigre et tiré contrastait bien avec cette riche nature, mais le teint en était si blanc ! les lèvres si fraîches ! les cheveux si noirs et si soyeux ! Puis la richesse des ornements détournait l’attention. Madame Atout portait, sur la tête, l’imitation, en petit, d’une machine à fabriquer les queues de bouton, autrefois inventée par son père, et, aux deux bras, les modèles d’une roue de tournebroche modifiée par son grand-oncle, et d’un cercle de chaudière perfectionné par son frère aîné. Maurice apprit plus tard que c’étaient autant d’armoiries parlantes, qui rappelaient les titres de noblesse de la famille. Elle avait, en agrafe, la miniature de M. Atout, couronnée de lauriers et encadrée dans une guirlande de cheveux imitant des immortelles. Un médaillon suspendu au cou renfermait enfin le