Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’inquiéter de ne point le voir revenir, et il leur expliqua de nouveau, avec plus de détails, les différents mécanismes de leur appartement.

Il était au plus fort de ces explications, lorsqu’un bruit de sonnette retentit dans toute la maison ! Le démonstrateur s’interrompit brusquement :

— C’est madame Atout, dit-il, avec une déférence craintive ; nous reprendrons cet entretien une autre fois ; elle désire vous voir, ne la faisons point attendre.

Il hâta le pas, ouvrit la porte, traversa plusieurs pièces avec ses hôtes, et les introduisit enfin dans un grand salon qu’ils n’avaient point encore aperçu.

C’était une galerie ornée de curiosités, de tableaux et de plans lavés représentant différentes coupes de machines. Un cadre immense renfermait tous les diplômes académiques accordés à M. Atout, et rayonnant, autour de son portrait, en glorieuse auréole.

Ce portrait, passé dans le commerce, comme celui de tous les hommes illustres de l’an trois mille, se trouvait reproduit sous vingt formes. Il grimaçait dans les moulures du plafond ; il soutenait, en guise de cariatides, les consoles de la corniche : il se reliéfait sur les bras sculptés des fauteuils. La nécessité d’approprier l’image à ces différents emplois avait seulement altéré parfois la dignité académique du modèle. Ici on le représentait contre un pied de candélabre : là, penché en avant, et la bouche ouverte en manière de gargouille ; plus loin, plié sous une ferrure qu’il soutenait. Mais quelle que fut l’attitude et la destination, on y reconnaissait l’illustre Atout aussi sûrement que le gamin de Paris eût reconnu l’image de Napoléon moulée en sucre d’orge, ou même sculptée par un membre de l’Institut.