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me donner que le numéro 1983… une brune de vingt-deux ans ! Je préfère les blondes, mais il faut savoir se mortifier au besoin. Vous m’excuserez seulement de vous quitter ; il faut que j’avertisse le président de la société des bonnes mœurs, à qui je devais remettre un mémoire après-demain, que des occupations inattendues retardent mon travail.

Il indiqua à Maurice l’adresse du nouveau temple, et le laissa continuer sa route.

C’était la première fois que notre ressuscité se trouvait seul dans les rues de Sans-Pair, et il se mit à tout examiner plus en détail qu’il n’avait pu le faire jusqu’alors.

Il remarqua que les locataires de chaque maison plaçaient, sous leurs fenêtres, une inscription désignant le nom et la profession exercée, de telle sorte que la ville entière était une sorte d’almanach des vingt-cinq mille adresses. On avait, à chaque entrée, au lieu de concierge, un vaste tourniquet mécanique dont les compartiments portaient le nom et renfermaient la sonnette des locataires. En arrivant, le visiteur s’asseyait dans le compartiment convenable, tirai le cordon, et aussitôt la machine enlevée le transportait à la porte même de la personne qu’il venait voir.

Maurice aperçut également une salle de bal, où les pas des danseurs mettaient en mouvement les meules d’un moulin à blé, et des charrettes qui, tout en revenant à vide du marché, faisaient tourner un rouet et filaient le coton de rebut.

De loin en loin, les rues étaient traversées par des viaducs sur lesquels passaient, en sifflant, les locomotives poussées par la vapeur ou entraînées par le vide. Les fils de télégraphes électriques se croisaient en tous sens, dans l’air, comme un immense écheveau brouillé ; les paratonnerres,