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Était-il question de mettre aux voix le budget, il l’annonçait au moyen de l’air :

Quels dinés, quels dinés
Les ministres m’ont donnés.

Fallait-il, enfin, demander un congé pour un maréchal rejoignant son gouvernement, il jouait :

Malbroug s’en va-t-en guerre.
Mironton ton ton mirontaine ;
Malbroug s’en va-t-en guerre,
Ne sais quand il viendra.

Au signal qu’il venait de donner, les députés se dirigèrent vers leurs places, et un orateur monta à la tribune pour leur donner le temps de s’asseoir et de se moucher. Maurice reconnut M. Omnivore. M. Atout lui dit qu’il y avait ainsi, à la chambre, une dizaine de comparses chargés du lever de rideau, et remplissant l’office du verre d’absinthe que l’on accepte avant le dîner, non parce qu’on l’aime, mais parce qu’il donne envie de prendre autre chose.

Ils furent remplacés par des orateurs d’un crédit médiocre ; c’étaient le potage et les hors-d’œuvre.

Enfin, il y eut un silence ; le festin parlementaire allait commencer ; M. Banqman venait de paraître à la tribune.

L’illustre fabricant avait le menton rentré au fond de sa cravate et la main droite dans son jabot, indice évident de profondeur. Il promena quelque temps ses regards sur l’assemblée, avança lentement la main gauche, et commença d’une voix qui tenait à la fois du trombone et du bonnet chinois :

« Messieurs,

« Quelque résolu que puisse être un homme politique à accomplir son devoir, il est des circonstances où cet accomplissement devient pour lui une douloureuse épreuve, et où il doit envier le sort des citoyens sans responsabilité, qui subordonnent leurs convictions à leurs sympathies, et accordent aux amis qu’ils ne peuvent continuer à approuver