Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Le plus nombreux de tous est celui des équilibristes, composé des gens qui savent se maintenir sous tous les ministères, et dont l’opinion se résout en un bordereau d’appointements. On les appelle aussi conservateurs, vu l’ardeur qu’ils mettent à conserver leurs places, leurs fournitures et leurs pensions.

Ils ont pour adversaire le parti des aspirants, comprenant tous ceux qui ont été ministres ou qui comptent le devenir.

Entre eux flottent les indépendants, dont la politique ressemble à la marche d’un homme ivre, et qui, lorsqu’ils ont penché à gauche, se retournent brusquement à droite, uniquement pour prouver qu’ils ne suivent pas de chemin.

Enfin viennent une douzaine de factions, tantôt séparées, tantôt unies, espèce d’appoints parlementaires qui servent à déplacer les majorités, et grâce auxquelles la chambre contredit aujourd’hui ses décisions d’hier.

Ici, l’académicien fut interrompu par le son d’une trompette qui jouait l’air connu :

Du courage
À l’ouvrage,
Les amis sont toujours là.

M. Atout apprit à Maurice que ce signal annonçait l’ouverture de la séance. On avait ingénieusement substitué le clairon à la sonnette, comme plus facile à entendre dans le tumulte, et pouvant épargner au président tous frais d’éloquence. Ses avertissements se traduisaient en airs connus. Voulait-il, par exemple, rappeler à l’ordre un député de l’opposition, il jouait le refrain de la romance :

Taisez-vous, je ne vous crois pas.

S’agissait-il d’annoncer que le ministre de l’instruction publique allait prendre la parole, il jouait en mineur :

Je suis Lindor, ma naissance est commune.
Mes vœux sont ceux d’un simple bachelier.