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citer vos suffrages ; content, d’une position honorée et confortable, je continuerais à en jouir, loin des agitations de la politique ; mais les sollicitations de mes amis ont fait violence à mes inclinations, et m’ont décidé à venir réclamer la députation.

« Mes opinions sont connues, messieurs ; je désire le bonheur de tous les citoyens de la république, et je veux tout ce qui peut assurer ce bonheur. Je voterai toujours pour le bien et pour la vérité ; je n’adopterai que le parti qui aura raison, je n’attaquerai que celui qui aura tort ; je ne soutiendrai les ministres qu’autant qu’ils se soutiendront eux-mêmes, et, s’ils tombent, je me rappellerai que la voix du peuple est la voix de Dieu.

« Voilà pour mes idées gouvernementales ; quant aux droits que je puis avoir à votre confiance, les voici :

« Je gagne, année moyenne, trois millions cinquante mille francs, ce qui doit vous faire comprendre que je suis un homme d’ordre.

« J’ai toujours refusé de prendre des associés et de me marier, le tout par amour de la liberté.

« Je fabrique des moules de boutons pour tous les âges et pour toutes les classes, ce qui témoigne de mon respect pour l’égalité.

« Enfin, dans tous mes rapports à la société humaine, j’ai appelé les hommes mes semblables, expression qui prouve mes croyances à la fraternité.

« Maintenant, s’il faut en venir à ma profession de foi, je ne serai pas moins explicite.

« Je déclare d’abord m’engager à une distribution de moules de boutons de déchet à tous les pauvres du quartier.

« Je donnerai dans l’année six bals et douze dîners, où seront invités tous les électeurs qui m’auront accordé leurs voix.

« Ceux qui pourront réunir dix votes en ma faveur auront droit à une gratification de la valeur de mille francs, payable en rognures de cornes de ma fabrique, en petite bière de la brasserie projetée à Noukaiva, ou en actions pour les télégraphes aériens.

« Ceux qui m’apporteront quinze votes auront de plus une médaille en bronze avec la boîte en faux maroquin.

« Enfin, quiconque me procurera vingt voix percevra une rente perpétuelle de deux litres de potage à la gélatine, qu’il pourra faire prendre, tous les matins, à la compagnie hollandaise du Kamtschatka.

« Je ferai distribuer en outre à mes clients, au moment du scrutin, des billets portant mon nom, et dans lesquels se trouvera enveloppée une pièce de cent sous, pour leur donner plus de poids. Chacun mettra le billet dans l’urne et la pièce dans sa poche.

« J’ose espérer, messieurs, que la franchise de ces explications me con-