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ment tacite pris d’avance par chacun. La plupart des auteurs viennent nous présenter leur inspiration comme une inconnue subitement offerte à notre admiration, et nous nous tenons en défiance, nous examinons en détail, nous jugeons avec sévérité. Ici, rien de tout cela ; la muse qui a dicté Kléber est une bonne fille qui a dormi sur notre oreiller, et à laquelle nous n’avons rien à refuser, car pour admirer, applaudir une inspiration ou une femme, le principal n’est point qu’elle soit belle, mais qu’elle soit un peu à nous.

— Voilà une explication singulièrement impertinente pour les pauvres admirées, interrompit Mme  Facile.

— Pourquoi cela ? reprit Prétorien ; ne savez-vous point qu’être à nous veut dire régner sur nous ?

— Quelle plaisanterie !

— Essayez, je m’offre pour l’expérience.

— Et que dirait la reine de votre destinée ?

— Elle dirait, comme tout le monde, que rien ne peut vous résister.

— Raison de plus pour que je puisse résister à tout.

— Ah ! vous croyez tout arranger avec de l’esprit ?

— N’est-ce point votre monnaie ?

— J’ai depuis longtemps mangé mon fonds.

— Alors, je vous offre à souper !

— Ce soir ?

— Oui, avec ces messieurs ; et j’espère que nos ressuscités en seront : il y aura pour divertissement une séance de la société des femmes sages. Mlle  Spartacus doit parler ; venez, ce sera la petite pièce après le drame.

Prétorien accepta pour lui et ses compagnons, et tous prirent le chemin du logis de Mme  Facile.