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ment. Ils parlaient à la fois, comme nos députés lorsqu’ils veulent éclaircir une question importante, et Maurice reconnut que leurs paroles étaient un mélange de français, d’anglais et d’allemand, dont il se rendit compte assez facilement, vu la connaissance qu’il avait de ces trois langues. Ils répétaient tous ensemble :

— Merveille ! merveille ! deux morts des premiers âges sont ressuscités ; le chauffeur les a vus sortir de leur bière !

Mais ils s’interrompirent tout à coup, à la vue des deux époux, en criant :

— Les voilà !

Et ils s’arrêtèrent à quelques pas, avec une curiosité que tempérait évidemment la peur.

Marthe confuse s’était cachée à demi derrière Maurice ; mais ce dernier, qui voulait soutenir l’honneur du dix-neuvième siècle, auquel M. Progrès venait d’accoler l’épithète de barbare, se redressa gravement, salua les visiteurs, et leur adressa le discours suivant :

« Messieurs et honorables inconnus,

« Ce n’est point le hasard, mais notre libre choix qui nous a fait traverser près de deux mille années, pour renaître au milieu de cette génération puissante et éclairée, qui, à force de conquêtes dans le domaine de la perfectibilité humaine, a fait descendre le royaume du ciel sur la terre.

« Aussi nous estimons-nous heureux de pouvoir connaître par nous-mêmes cette race de demi-dieux, si noblement représentée par ceux qui veulent bien m’écouter dans ce moment !… »

(Ici un murmure d’approbation interrompit l’orateur ; il reprit d’une voix plus élevée,)