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Mais la foule varie ingénieusement ce refrain en répétant d’un ton sournois.

Voici le maître dur et blême,
Puisqu’on le craint, il faut qu’on l’aime.
Allah ! Allah ! Dieu est grand,
Mais prenez bien garde au soudan !

Le chœur fini, le prince fait retirer tout le monde, sauf Astarbé, à qui il déclare qu’il l’a aperçue au bain, il y a trois jours, qu’il en est, en conséquence, tombé amoureux, et qu’il est décidé à en faire sa cinq cent quatre-vingt-douzième femme.

Astarbé épouvantée répond que la chose est impossible ; le roi veut l’entraîner de force ; mais Kléber arrive avec le peuple, qui s’est rassemblé pour le jugement des morts, auquel doit être soumis Achmet avant d’obtenir les honneurs de la sépulture. Le soudan, qui a trop peu de gardes pour faire un coup d’État, feint de se soumettre à la loi ; mais au moment où l’on va accorder une tombe au père d’Astarbé, il présente le titre d’une amende que l’ancien ministre n’a pu lui solder, et réclame, selon l’habitude, son corps pour gage !

Astarbé se jette en vain à ses pieds, en le suppliant de ne point exposer l’ombre du vieillard à errer sans asile sur les sombres bords : le soudan répond par ce vers invincible :

Rendez-vous aux vivants, on vous rendra les morts !

Et il se prépare à faire enlever le corps d’Achmet.

Mais Kléber, touché du désespoir de la jeune fille, saisit un des chevaux du roi, puis, s’élançant avec Astarbé dans