Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pourrez, du reste, l’interroger vous-même quand nous traverserons les galeries.

Ils prirent congé de Prestet et se dirigèrent vers le Musée.

Toutes les écoles, réunies par groupes, comme les différentes familles d’une même race, avaient été entassées dans une seule salle, afin que les autres pussent être réservées à l’art national ; c’est ainsi que l’on désignait, à Sans-Pair, les œuvres d’Illustrandini, de Mignon et de Prestet.

Grelotin se tenait à la porte de l’immense galerie, comme un dragon devant le trésor qu’il garde.

C’était un tout petit homme, mal fait, presque chauve, dont les lèvres étaient agitées d’un tremblement continuel, et qui regardait devant lui avec des yeux doux et à demi égarés.

Prétorien lui présenta Marthe et Maurice comme un couple des vieux siècles ; Grelotin les regarda.

— Vivaient-ils du temps où l’on savait peindre des tableaux qui chantaient ? demanda-t-il avec une curiosité empressée.

Les deux ressuscités regardèrent leur conducteur.

— Oui, oui, reprit Grelotin avec insistance ; il y a eu un temps où la brosse et le ciseau communiquaient une voix mélodieuse à leurs œuvres ; je le sais bien, moi qui les entends ici.

— Vous les entendez ? répéta Marthe étonnée.

— Tous les soirs ! reprit Grelotin ; quand la porte de la galerie est refermée, et que le soleil couchant laisse glisser sur les murs ses grandes lueurs enflammées, vite je cours, là-bas, près des Italiens, et j’entends toutes les toiles qui chantent en chœur sans que leurs accents se confondent. Je reconnais celui de Raphaël, à sa douceur sublime ; celui de