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avec des pantoufles de mamamouchi, s’asseyaient sur de grands fauteuils boiteux du temps des croisades, buvaient dans d’anciens hanaps bosselés, et fumaient du tabac de caporal à travers des nargilés de douze pieds. Le tout dans l’intérêt de l’art et par haine pour la bourgeoisie.

Nous avons oublié de dire que la bourgeoisie, c’était tout le monde, excepté eux !

Outre cette grande haine, les artistes de Sans-Pair avaient certains principes qui formaient comme le code de leur association, et que l’on pouvait résumer en six aphorismes :

Article 1er. Le sculpteur trouve que la peinture a cessé d’exister.

Article 2. Le peintre trouve que la sculpture n’existe plus.

Article 3. Peintres et sculpteurs ne reconnaissent de talent qu’aux morts, encore faut-il qu’ils le soient depuis longtemps.

Article 4. La meilleure des républiques est celle où l’on achète le plus de statues et de tableaux.

Article 5. On doit toujours secourir un confrère, mais on n’est jamais tenu de l’admirer.

Article 6. L’artiste a trois ennemis, le marchand de couleurs, le public et son propriétaire.

Prétorien visita d’abord, avec ses compagnons, l’école où l’on envoyait les jeunes gens reconnus propres aux arts. On l’avait ornée de statues ou de tableaux retrouvés dans les ruines de Paris, et qui étaient devenus des chefs-d’œuvre avérés depuis que le temps en avait détruit une partie. Mais le directeur du Grand Pan ne laissa point à Maurice le temps de les voir. Il avait promis de le conduire chez les artistes les plus célèbres de Sans-Pair, et il entra d’abord