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bien il était difficile de ne pas mourir noyé, poignardé, empoisonné, muré ou étranglé dans ce centre de la civilisation française. Évidemment, les gens qu’on n’assassinait point formaient une classe particulière, une sorte de rareté sociale qui servait, sans doute, au renouvellement de la chambre haute, composée, comme on le sait, de vieillards, pares œtate, d’où leur était venu le nom de pairs.

« Cette multiplicité de morts violentes était principalement l’ouvrage des notaires, des femmes du grand monde, des millionnaires et des médecins. Les médecins se débarrassaient de leurs malades pour en hériter plus vite[1] ; les millionnaires employaient leurs revenus à faire tuer les hommes par des spadassins, et à empoisonner les femmes dans des bouquets[2] de fleurs ; les grandes dames venaient voir égorger leurs rivales à domicile[3], et les notaires étaient en compte courant avec les empoisonneurs, les assassins et les noyeurs de Paris ou de la banlieue.

« Le seul secours pour les honnêtes gens, au milieu de ce désordre, étaient les princes allemands, qui abandonnaient leurs États déguisés en ouvriers, pour aller défendre la vertu dans les tapis francs de la rue Aux-Fêves[4], ou les forçats en fuite, qui assuraient l’avenir des jeunes gens pauvres, et découvraient, dans un lupanar, la femme qui devait faire leur bonheur[5]

« Encore l’influence de ces défenseurs de la vertu était-

  1. Voyez les Réprouvés et les élus (E. Souvestre).
  2. Voyez les Réprouvés et les élus (E. Souvestre).
  3. Voyez l’Histoire des Treize (H. de Balzac).
  4. Voyez les Mystères de Paris (E. Sue).
  5. Voyez le Père Goriot et la suite (H. de Balzac).