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On commença par la réception d’un membre récemment admis à l’Académie du beau langage. Blaguefort apprit à Maurice que les nominations étaient le résultat d’un concours. Celui qui, dans un temps donné, faisait le plus grand nombre de visites était préféré à ses concurrents, d’où il résultait que le titre le plus sûr, pour réussir, n’était point un beau livre, mais un bon équipage. Aussi le récipiendaire l’avait-il emporté sans peine. C’était un grand seigneur, dont les œuvres complètes se composaient de deux chansons, de trois lettres de premier de l’an et d’un madrigal

Le secrétaire perpétuel, chargé d’expliquer pourquoi il se trouvait académicien, rappela la célébrité d’un de ses ancêtres, qui avait été général de cavalerie. Le grand seigneur répondit par l’éloge de son prédécesseur, contre lequel étaient faites ses deux chansons ; puis on passa à la distribution des prix de vertu appelés, selon un antique usage, prix Montyon.

Le rapporteur commença par expliquer, à l’auditoire, ce nom, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps. Il lui apprit qu’il se composait primitivement de mont, hauteur, et de ione, pierre précieuse, d’où l’on avait fait mont-ione, et par corruption mont-yjon, expression symbolique que l’on pouvait traduire par montagne précieuse, la vertu étant, en effet, ce qu’il y a de plus précieux et de plus élevé.

Vint ensuite le rapport sur les candidats couronnés par l’Académie. Le premier était un homme dont toute l’occupation avait été de secourir les pauvres de sa paroisse. Après les avoir habillés et nourris pendant vingt années, il se trouvait lui-même sans pain et sans vêtements. L’Académie, qui, par l’organe de son rapporteur, l’avait surnommé le