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teurs et avoir obtenu une seconde gratification, vous confiait à un confrère spécialement chargé des savants morts, toujours moyennant quelque menue monnaie, lequel vous livrait à un quatrième guide, préposé aux célèbres artistes. Chacun d’eux avait, en outre, de petites industries accessoires, telles que ventes de boutures du saule de Napoléon ; boucles de cheveux de Voltaire, blonds ou noirs, selon la demande ; fragments du cercueil d’Héloïse et d’Abélard ; tabatière de lord Byron, qui ne prenait point de tabac ; roses blanches cueillies sur la tombe de Robespierre, et aconits spontanément poussés sur celle de M. de Talleyrand.

Le second quartier était consacré aux banquiers, bourgeois, rentiers, commerçants et fonctionnaires publics. C’était là que l’on trouvait les croix d’honneur sculptées, les bustes sous cloche et les petits chiens empaillés. Quant aux épitaphes, il n’en existait que trois, toujours ramenées au-dessous des noms. Pour la tombe d’un chef de maison, on mettait :

IL FUT BON ÉPOUX, BON PÈRE,
BON AMI,
ET ÉLECTEUR DE SON ARRONDISSEMENT.

Pour la tombe d’une jeune fille :

ET ROSE ELLE A VÉCU CE QUE VIVENT LES ROSES,
L’ESPACE D’UN MATIN.
REQUIESCAT IN PACE.

Pour la tombe d’un enfant :

C’EST UN ANGE DE PLUS DANS LE CIEL.
CONCESSION PERPÉTUELLE.

Le troisième quartier était consacré aux pauvres morts. Ceux-là ne laissaient de monuments que dans les cœurs des