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des branches de ce grand arbre toujours en fleurs et en fruits que nous appelons le système d’impôts.

— Et ce système a sans doute un principe ? demanda Maurice.

— Un principe admirable, répliqua Blaguefort ; on avait déjà observé que les hommes les moins riches étaient ceux qui se créaient le moins de besoins ; nos législateurs en ont conclu que le prolétaire, qui vivait de rien, devait avoir, plus qu’aucun autre, du superflu. En conséquence, ils lui ont fait supporter double charge, fournir double service, payer double taxe. Tout ce qu’il consomme passe trois ou quatre fois sous le râteau du fisc. Mais ce résultat n’a point été obtenu sans peine. Longtemps l’obstination du pauvre diable a lutté contre l’équité distributive de la loi. On avait imposé la nourriture, il jeûnait ; les vêtements, il marchait nu ; le jour, il murait ses fenêtres ! Toutes les tentatives pour trouver un impôt auquel il ne pût se soustraire avaient été inutiles, lorsque notre ministre des finances a enfin découvert ce que l’on cherchait vainement, il a créé l’impôt des nez ! Désormais, quiconque jouit de cette annexe paye la taille sans plus ample information ; le percepteur n’a à constater ni l’âge, ni la profession, ni le domicile, ni la fortune, il suffit de constater le nez. Quelques représentants avaient voulu rendre l’impôt proportionnel à ce dernier ; il eût suffi de l’appliquer au mètre rectifié, qui eût donné le rapport du nez de chaque citoyen avec le diamètre de la terre ; mais les députés de l’opposition ont rappelé que tous les hommes devaient être égaux devant la loi, et l’on a renoncé à la naso-statique proposée.

— Cependant, objecta Maurice, les gens qui ne possèdent rien ne peuvent rien payer, par exemple, les mendiants !…