Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tandis que d’autres parcourent les pays civilisés dans l’intérêt de leurs recherches ou de leur industrie, lui n’aspire qu’aux routes perdues, aux régions ignorées ! Trois fois il s’est enfoncé dans les immenses régions du vieux continent sans autre motif que de visiter des peuples en décadence, de traverser des fleuves oubliés, de dormir sur des ruines sans nom ! Demandez-lui ce qu’il voulait, il vous répondra : Voir ! Vous l’interrogeriez en vain sur la statistique naturelle ou la base géologique des pays qu’il a parcourus ; le malheureux n’a recueilli dans ses voyages, ni le plus petit fragment de roche, ni le moindre scarabée ; il n’en a rapporté que des jugements et des impressions. Aussi, dès son retour, sa famille l’a-t-elle fait enfermer. Et nous le traitons depuis trois mois par les douches et les saignées.

Vous pouvez, du reste, l’entretenir ; il n’est point méchant, et il communique volontiers ses observations.

Maurice profita de la permission pour s’approcher de Pérégrinus et l’interroger sur ce qu’il avait vu. Le jeune voyageur, qui avait parcouru en détail les vieux continents, lui fit une esquisse rapide de l’état du monde en l’an trois mille. Il lui apprit que l’Afrique, initiée au progrès, avait enfin adopté les habitudes civilisées. Le gouvernement constitutionnel venait d’être établi en Guinée ; le roi de Congo préparait une constitution à ses peuples ; les Hottentots avaient formé la république du Capricorne, et l’Afrique centrale était dirigée par un président électif. Pérégrinus vanta surtout à Maurice l’école polytechnique de Tambouctou et le conservatoire de musique du grand désert. Quant à la Sénégambie, elle n’était célèbre que par son commerce de préparations médicales, et fournissait des droguistes au monde entier.

L’Asie, au contraire, était retombée dans une torpeur cha-