Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une association commerciale, dont le premier but est le gain ? Le fonds social, ici, ne se compose point seulement d’argent, mais de patience, de bonne volonté, d’affection ; c’est là surtout le capital qu’il faut accroître, pour que l’association prospère. Ah ! laissez à la femme son utilité de chaque instant, pour que l’homme la sente à chaque instant plus précieuse ! Laissez-la faire le travail même qu’un étranger ferait mieux, afin d’obtenir le salaire sans lequel elle ne saurait vivre ; la reconnaissance de ceux qu’elle aime ! Pourquoi vouloir régénérer le pauvre, en l’affranchissant des devoirs de famille ? ne sentez-vous pas que ces devoirs sont la source d’où découle tout bien ? Loin de les amoindrir, rendez-les plus saints à ses yeux, en lui facilitant leur accomplissement ; ne vous substituez pas à sa conscience, mais éclairez-la ; n’achetez pas, enfin, ces âmes à fonds perdus, mais donnez-leur, au contraire, plus de volonté, plus de vie ! Le peuple n’est point un prodigue qu’il faut interdire, c’est un enfant qu’il faut diriger et aider à grandir !

Banqman et le Doux continuèrent leurs explications, en montrant aux deux visiteurs la maison de retraite des travailleurs, où l’on utilisait les restes de leur force jusqu’au moment de l’agonie, et l’amphithéâtre, où leurs corps étaient livrés au scalpel des élèves-médecins, pour un prix convenu ; car les pères ne s’étant point occupés du berceau des enfants, les enfants ne s’occupaient point de leurs tombes !

Mais Maurice regardait sans voir, écoutait sans entendre ! Une sourde tristesse s’était glissée dans son cœur, et il rentra chez M. Atout découragé.

Marthe, de son côté, avait aperçu, de plus près que le jour précédent, la sécheresse et les misères de la vie domestique ;