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les semences de son âme ! Perpétuelle école, ouverte pour le peuple près du foyer ou sur les seuils, et dans laquelle celui qui s’en allait, initiait doucement ceux qui venaient d’arriver à cette vie de courage, de patience et de sacrifice.

Hélas ! Maurice cherchait vainement quelque chose qui put lui rappeler la petite fabrique d’autrefois. Ici plus de masures sombres, plus de métiers imparfaits ; mais aussi plus de rires, ni de chants ! il s’efforçait en vain de découvrir un père Mathias, une Georgette, un Julien !… Il n’apercevait que des machines parfaites et des ouvriers abrutis !

Après avoir tout montré et tout expliqué à ses hôtes, M. Banqman arriva enfin, avec eux, au quartier des pupilles de la société humaine.

C’était une série de loges, dont chacune renfermait un ménage, sans enfants ; car ceux-ci étaient séparés de leurs parents dès la naissance, et élevés à forfait. Ainsi dégagée des soins de mère, la femme l’était également des soins d’épouse. Elle n’avait à préparer ni la nourriture, ni les vêtements, ni le logis ; tout cela se faisait à l’entreprise. Elle n’était point non plus chargée d’épargner les gains du mari, il y avait un économe qui réglait les dépenses et les salaires ; de veiller à sa santé, il y avait un médecin qui faisait chaque matin sa visite ; d’entretenir en lui les bonnes pensées, il y avait un aumônier qui prêchait toutes les semaines ! De son côté, le mari était exempté de prévoyance, de protection, de courage.

— De cette manière, dit M. Banqman, le travailleur reste sous notre tutelle, bien logé, bien nourri, bien vêtu, forcé d’être sage, et recevant le bonheur tout fait. Non-seulement nous réglons ses actions, mais nous arrangeons son avenir, nous l’approprions de longue main à ce qu’il doit faire.