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1o Tu seras fidèle à ton drapeau jusqu’à la mort :

2o Tu tiendras moins à ta peau qu’au triomphe de ton régiment ;

3o Tu ne feras point la guerre à ceux qui n’ont point de cartouches ;

4o En temps de pluie, tu ne demanderas pas de soleil.

Et afin que les orphelins pussent comprendre ces maximes, il leur expliquait comment le drapeau, pour eux, c’était l’honneur ; comment leur régiment comprenait tous les hommes : comment les cartouches manquaient aux pauvres et aux faibles, et comment la pluie et le soleil étaient la destinée rude ou facile que Dieu nous avait faite.

Il ajoutait encore beaucoup de précieux enseignements sur la persévérance, sur l’orgueil, sur les liaisons, et finissait toujours par encourager au travail Georgette et Julien.

— La semaine, disait-il, est un caisson de vivres, traîné par sept chevaux ; si vous en détachez un, le caisson marchera encore ; deux, il n’avancera que difficilement ; trois, il demeurera dans l’ornière et laissera l’armée sans pain.

Les enfants écoutaient religieusement les leçons du vieux soldat et les retenaient. Pendant trois années Maurice les avait vus revenir tous les jours à la même place, aussi soumis, aussi joyeux ! Mathias était leur expérience, et ils étaient l’avenir de Mathias. Tandis que l’âge courbait son épaule et dépouillait son front, les deux enfants grandissaient à ses côtés, jeunes et vivants, comme des rejetons vigoureux jaillissant d’un tronc à demi desséché.

Souvent aussi les autres enfants de la fabrique venaient s’asseoir autour du soldat, en lui demandant de raconter une de ses batailles, et ils assistaient alors aux leçons du vieillard qui, avant de quitter la terre, leur laissait ainsi