Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bres ! Ces murmures lointains qui ressemblent à des gémissements, ces lueurs qui passent, ces vapeurs qui s’élèvent, tout cela est un monde près de se former. Ainsi qu’aux premiers jours de la création, tous les éléments sont encore dans le chaos ; mais laisse au soleil le temps de se lever, et l’avenir sortira de ces ténèbres comme la terre sortit des eaux après le déluge.

Marthe ne répondit pas, mais, fascinée par la voix du jeune homme, elle se pencha sur l’abîme sombre, espérant voir quelque magique transformation.

— Oui, je voudrais connaître cet avenir si beau, dit-elle avec l’expression curieuse et émerveillée d’un enfant. Pourquoi ne peut-on s’endormir pendant plusieurs siècles, afin de se réveiller dans un monde plus parfait ? Oh ! si j’avais une fée pour marraine !

— Les fées sont parties en brisant leurs baguettes, dit Maurice ; c’est au génie des hommes d’en retrouver les débris et de les réunir de nouveau.

— Qui faut-il donc invoquer alors ? reprit la jeune femme. Les anges ont cessé de nous visiter, comme ils le faisaient au temps de Jacob et de Tobie ; Jésus, Marie ni les saints ne quittent plus le paradis, comme au moyen âge, pour éprouver les âmes, ou secourir les affligés ; toutes les puissances supérieures ont-elles donc abandonné la terre ? N’y a-t-il plus ici-bas ni dieu, ni lutin qui puisse servir d’intermédiaire entre le monde réel et le monde invisible ? Tous les pays, tous les âges ont eu leur génie protecteur ; où est celui de notre temps, et quel est-il ?

— Voilà ! cria une voix brève et lointaine.

Les deux amants surpris relevèrent la tête ! Au milieu de la nuit, sur la cime des toits, glissait rapidement une ombre