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§ XII.

Usine de M. Isaac Banqman : supériorité des machines sur les hommes. — Souvenirs de Maurice ; le soldat Mathias. — Pupilles de la société humaine ; hommes perfectionnés d’après la méthode anglaise pour les croisements. — Une femme dépravée par les instincts de maternité et de dévouement.

L’usine d’Isaac Banqman occupait le revers d’une montagne percée, en tous sens, de voûtes souterraines où mugissaient les locomotives et que traversaient sans cesse les wagons rapides. Cent cheminées vomissaient des torrents de fumée qui se réunissaient plus haut, se condensaient et formaient, au-dessus de la colline, une sorte de dôme flottant. Des roues immenses tournaient lentement à la hauteur des toits, tandis que des retentissements sourds et réguliers ébranlaient la montagne.

Tout ce bruit, tous ces mouvements et toute cette fumée étaient employés à la confection de moules de bouton ! c’était là la spécialité à laquelle Banqman devait sa fortune et son importance politique.

À la vérité, le célèbre industriel avait apporté à cette fabrication des perfectionnements qui ne pouvaient manquer d’en rehausser l’importance. D’abord, il avait ruiné tous les fabricants, moins riches, qui s’étaient hasardés à soutenir la concurrence ; ensuite, une fois seul, il avait augmenté de cinquante pour cent le prix de vente de ses produits ; enfin grâce à son influence politique, il venait d’obtenir du ministre une ordonnance qui obligeait tous les fonctionnaires publics à ajouter trois boutons à leurs caleçons.