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les combattent, restent abandonnés ! Pour obtenir votre protection, il faut le certificat d’un crime, comme il fallait autrefois un certificat de civisme. Ah ! soyez bons pour les coupables ; le Christ a pardonné à la femme adultère et relevé la Madeleine ; mais pensez aussi un peu aux innocents ! Faites que le devoir ne leur devienne pas trop difficile. Pour leur tendre la main, n’attendez pas qu’ils soient tombés ; ne les exposez point à trouver que la société fait plus d’efforts et de sacrifices pour ses fils ingrats que pour ses fils pieux ; ne tuez pas, enfin, tous les veaux gras au profit de l’enfant prodigue, et gardez-en quelques-uns pour ses frères, qui ne vous ont ni dépouillés ni flétris. Ce qui m’étonne, ce n’est pas que vos Pentagruélistes acceptent le bonheur que vous leur faites ; mais que vos travailleurs se résignent à la misère où vous les laissez. Ah ! pour accomplir le devoir si difficilement et avec si peu d’aide, il faut, quoi qu’on en dise, que le bien ait aussi sa saveur. Combien de malheureux peuvent envier le pain quotidien, l’habit de drap, la salle chauffée du bagne, et s’acharnent pourtant à leur douloureuse probité ?

— Vos souhaits ont été prévus, dit M. le Doux, notre bienfaisante tutelle s’est également étendue sur le travailleur. Puisque nous sommes en cours d’études philanthropiques, je veux vous montrer la colonie industrielle de notre vice-président, l’honorable Isaac Banqman. Ce n’est point seulement un grand capitaliste et un homme politique influent, la république n’a pas de membre plus zélé pour le perfectionnement des machines et des classes laborieuses. Nous allons prendre le chemin de fer du quartier, qui nous conduira, en trois secondes, à la porte de son établissement.