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point été plus puissantes. Elle songea à un docteur arabe, dont les charmes exerçaient, disait-on, une souveraine puissance sur toutes les volontés, et elle alla à sa demeure pour lui exposer son désir.

Après l’avoir écoutée, le docteur se fit conduire vers son fils, encore plongé dans le sommeil, et il commença les conjurations puissantes qui devaient le délivrer de ses passions.

D’abord, il toucha les flancs du dormeur, et la châtelaine en vit sortir une nuée de génies à l’air violent ou hardi : c’étaient la force, la colère, l’audace, et avec elles le courage et l’adresse !

L’Arabe toucha ensuite le front, duquel s’élança l’imagination, revêtue des couleurs de l’arc-en-ciel ; le raisonnement, armé de l’épée à double tranchant ; la mémoire, tenant à la main la chaîne d’or qui lie le présent au passé.

Enfin, il toucha le cœur, qui s’entr’ouvrit aussitôt pour donner passage à la nuée des désirs enflammés, des amours changeants, des illusions aux ailes d’azur, troupe folle et charmante, qui s’enfuit avec un cri plaintif.

Lorsque le jeune homme se réveilla peu après, il était complètement transformé ! toutes les idées que sa mère avait combattues, tous les goûts dont elle s’était affligée avaient disparu ; il n’avait plus de volonté que la sienne, plus de goûts que ceux qu’elle lui inspirait. Cet esprit était devenu semblable à la nacelle qui va où le flot l’emporte, où le vent pousse, où la main conduit. Sa mère disait de marcher, et il marchait ; de prier, et il priait ! Les tentations passaient en vain près de lui, il les regardait passer comme des inconnues auxquelles on ne doit ni un regard, ni un salut !