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Le jour n’avait pas été moins ménagé que le bruit. Partout régnait une sorte de lueur crépusculaire qui agrandissait les formes et éteignait les contours. Enfin, l’air lui-même arrivait imperceptiblement sans rafale et sans murmure.

À mesure que Maurice avançait dans ces longs couloirs muets et sombres, il se sentait gagné par un malaise croissant. Cette atmosphère, que ne traversait aucun bruit, aucune lueur, l’oppressait ; une atonie glacée coulait dans ses veines. Le jeune homme frissonna malgré lui !

— Ce calme fait peur, dit-il, on se croirait dans un sépulcre.

— Et cependant dix mille prisonniers vous entourent, fit observer M. le Doux. Voyez plutôt !

Il avait tiré un rideau, et Maurice se trouva au milieu d’une lanterne vitrée, formant le centre d’un immense cercle de loges, qui renfermaient les condamnés. À voir ces lignes de cellules superposées, tournant comme une gigantesque spirale, et allant se perdre dans les combles de l’édifice, on eût dit l’enfer du Dante renversé. Seulement, pas de cris ; aucun gémissement : nulle prière ! un silence glacé planait sur cette étrange ruche de pierre. On voyait chaque prisonnier s’agiter sans bruit, dans son alvéole grillé, comme un mort que le galvanisme soulèverait dans sa tombe. Tous avaient le visage pâle, les mouvements inquiets, le regard hébété ou hagard. Muets et mornes, ils faisaient mouvoir les bras de machines, dont ils ne connaissaient même pas l’action. Telle était la disposition des cellules, que chaque prisonnier ne pouvait apercevoir celle qui l’entourait. Les gardiens échappaient également à ses yeux. Entouré d’une surveillance mys-