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aux articles du code, et destinées à faire connaître les peines infligées à chaque faute. On pouvait aller étudier là le tarif de consommation de ses mauvais instincts ; les sept péchés capitaux avaient leurs prix marqués en chiffres, comme les marchandises des magasins de nouveautés.

L’image du Christ conservée par la tradition, apparaissait au milieu de ces sentences légales, le front meurtri et tristement penché. Près de ce flanc dont le sang avait coulé pour l’égalité des hommes, on lisait :


LES PRÉVENUS TROP PAUVRES POUR DONNER CAUTION SERONT EMPRISONNÉS.


Et au-dessous de cette bouche qui avait proclamé la fraternité et la solidarité humaines, étaient gravés ces mots :


NOUS NE DEVONS D’ALIMENTS QU’À NOS ASCENDANTS ET DESCENDANTS DIRECTS JUSQU’À LA SECONDE GÉNÉRATION !


Les juges avaient pour sièges des lits de repos garnis de coussins moelleux ; la plume en était entretenue par les accusés qui savaient devoir être jugés d’autant plus doucement que le tribunal se trouverait plus à l’aise. Le procureur du roi, au contraire, était assis sur un fauteuil dont les angles aigus excitaient chez lui une inquiétude et une irritation qui entretenaient son humeur agressive. Quant aux avocats, on avait suspendu devant leur banc un tarif de plaidoirie dont la vue les tenait en haleine.

Lorsque Maurice entra, la sellette des prévenus était occupée par un vieillard. C’était un paysan que l’âge avait courbé et dont les cheveux blancs tombaient sur une cape de coton