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losophiques, littéraires et politiques. Mon livre devait me placer, du premier coup, au rang des publicistes d’élite ; malheureusement tous les libraires refusèrent de le lire, en objectant que c’était mon premier ouvrage. À leur avis, il eût fallu débuter par le second !

« — Encore si vous étiez connu à quelque autre titre, objecta le plus affable ; connu seulement comme M. Mirmidon à qui je viens d’acheter un volume d’élégies ! Tout le monde voudra savoir quels vers compose un si petit poëte ; mais quelle curiosité exciterait un livre écrit par un homme de votre taille ?

« Je me retirai désespéré !

« La seule consolation qui me restât, au milieu de tous ces malheurs, était mon amour pour une jeune parente que je devais épouser. En y réfléchissant, je tremblai que mon rival lilliputien ne m’enlevât encore ce bonheur. Il était reçu comme moi chez Blondinette, qu’il amusait par mille tours. Il se cachait dans le tuyau du calorifère pour chanter des romances, dansait la polonaise sur les barreaux des fauteuils, et courait, les yeux bandés, à travers un labyrinthe de coques d’œufs. Je commençai par railler la puérilité de ces passe-temps ; mais Blondinette, qui y prenait plaisir, se montra offensée de mes remarques. Je me plaignis alors des libertés qu’elle laissait prendre à Mirmidon ; elle allégua sa taille, qui ne permettait point de le traiter comme un autre. Je me fâchai enfin, et je lui déclarai qu’elle devait choisir entre le petit homme et moi ; elle répondit aussitôt, que son choix était fait, et m’ouvrit la porte. Je sortis, suffoqué de colère.

« Ce dernier échec avait mis à bout mon courage. Las de prétendre en vain à la renommée, aux places et à l’a-