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le principe même de la vie, décidait nécessairement seul de la santé ou de la maladie. Mais ses prescriptions ne furent point plus heureuses que celles de son confrère, et, après son départ, la douleur gagna les membres.

L’académicien s’adressa cette fois au docteur Névrotique, qui avait pour spécialité les maladies sans causes.

Il arriva d’un saut, en criant :

— Les nerfs ! les nerfs !… organe de la volonté… de la sensation… tout est là… il n’y a que les nerfs !

Il tourna trois fois autour du lit de la malade, ordonna les bals et les spectacles, avec une infusion de feuilles d’oranger, puis repartit.

Cependant les suffocations de milady Ennui ne cessaient point, et M. Atout continuait à épuiser inutilement la science des spécialistes, lorsque Maurice se rappela l’espèce d’armure ouatée qui enveloppait milady ; il lui fit transmettre timidement le conseil d’en sortir. Le résultat fut immédiat ; madame Atout, rendue à la liberté de ses mouvements, se trouva subitement guérie. Sa maladie n’était qu’une suffocation ; et, faute de s’être adressée au docteur des poumons, elle avait failli mourir étouffée.

Tout en donnant les soins nécessaires, l’académicien avait mandé un notaire et des témoins, afin de faire constater la maladie de madame Atout. Dès qu’elle fut guérie, il prit l’acte dressé par eux, et emmena Maurice aux bureaux de la compagnie des Centenaires.

On y assurait non-seulement la vie, mais la santé, et l’on y recevait un dédommagement pour les moindres indispositions, comme on en eût reçu autrefois de la compagnie du Phénix pour un incendie partiel. Par ce moyen, la maladie de vos parents vous faisait vivre, en attendant que leur mort vous enrichit. L’intérêt tenait en échec l’affec-