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L’étendue de ce bateau-phénomène était de plusieurs kilomètres. Chaque passager y avait son cottage, avec par terre, basse-cour et jardin potager. Au milieu du village s’élevaient l’église, et à l’une des extrémités, la salle de concerts. Cent cinquante machines, de la force de quatre cents chevaux, mettaient en mouvement le Cosmopolite, qui fendait les flots avec la rapidité du Léviathan. Son voyage de circumnavigation durait huit jours. Il touchait à la Nouvelle-Guinée, franchissait le canal creusé dans l’isthme de Panama, traversait l’océan Atlantique, remontait jusqu’à la Méditerranée, entrait dans la mer Rouge par le détroit de Suez, et regagnait le point de départ à travers la mer des Indes.

Les passagers que la navigation fatiguait, se faisaient débarquer au Caire, où ils prenaient le grand chemin de fer d’Asie, qui les conduisait jusqu’à Malaca en wagons-houses. Ces wagons-houses étaient des maisons roulantes, où l’on trouvait des chambres à coucher, un restaurant, des billards, un estaminet et des bains russes.

Près du Cosmopolite flottaient une foule d’autres bateaux, dont les différentes destinations se trouvaient indiquées par des affiches en banderoles. Les uns formaient des théâtres flottants, qui, traversant les mers et remontant les fleuves, portaient aux peuplades les plus reculées les bienfaits du vaudeville ou les enseignements de l’opéra-comique ; d’autres, disposés en salles de bal, allaient apprendre aux cinq parties du monde les quadrilles des Musard sans-pairiens ; les plus petits, enfin, consacrés à des dioramas, à des ménageries, ou à des cabinets de lecture, jetaient successivement l’ancre dans toutes les criques de la terre habitée pour populariser les beautés de la nature, les bêtes savantes et les romans de M. César Robinet.