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prenait en jouant au petit ménage, et sans en connaître les réalités.

Tels étaient les principes d’instruction adoptés par l’université de Sans-Pair ; quant à l’éducation, elle reposait sur une idée encore plus ingénieuse.

Son unique but étant de préparer des citoyens honorables, c’est-à-dire habiles à s’enrichir, on lui avait sagement donné pour unique base le dévouement à soi-même ! Chaque enfant s’accoutumait de bonne heure à tenir un compte de profits et pertes pour chacune de ses actions. Il calculait tous les soirs ce que lui avait rapporté sa conduite de la journée : c’était ce qu’on appelait l’examen de conscience. Il y avait un tarif gradué pour les mérites et pour les fautes : tant à la patience, tant à l’amabilité, tant au bon caractère ! Les vertus se résumaient en rentes ou en privilèges, pourvu que ce fussent des vertus comprises dans le programme ; car l’université des Intérêts-Unis montrait, à cet égard, une sage prudence : elle n’encourageait que les qualités qui pouvaient tourner un jour au profit de leur possesseur. Les vertus coûteuses étaient traitées comme des vices.

Or, pour mieux encourager les enfants à s’enrichir, on les initiait de bonne heure au culte du confort, on leur en faisait une habitude, on les trempait dans ce fleuve des jouissances matérielles, qui rend les consciences plus souples. Leur collège était un palais, pour lequel l’industrie avait épuisé ses merveilles. Il y avait des manèges, des billards, un Casino pour la lecture, et une salle de spectacle adossée à la chapelle. On donnait à chaque élève un appartement complet et un tilbury, avec un groom pour les promenades.