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le serf.

Il fut absent environ une heure et reparut enfin, le teint animé et le front couvert de sueur.

— Jehan est sauvé, dit-il en entrant ; mais ce n’a pas été sans peine ; monseigneur s’était fait à l’idée de le voir pendre et n’en voulait plus démordre. Enfin pourtant, il a cédé ; seulement, comme il craint que cette indulgence ne soit de mauvais exemple, il veut que le fils de Thomas quitte le pays.

— Et où l’envoie-t-il ? demanda le franciscain.

— À un de ses anciens serfs, récemment affranchi, et maintenant bourgeois de Tours, maître Laurent.

— Le marchand drapier ?

— Précisément ; il lui a promis un garçon de comptoir pris parmi ses corvéables, et aucun ne peut convenir mieux que Jehan, qui a appris à écrire.

— Et qui chiffre assez bien pour reconnaître les erreurs volontaires d’une comptabilité, continua le Père Ambroise… vous avez raison, maître ; je crois que l’éloignement de Jehan sera commode pour tout le monde. Je ne vois du reste aucune objection à un pareil projet. En servant aujourd’hui maître Laurent, il peut un jour se racheter et devenir marchand comme lui ; je vais lui apprendre cette bonne nouvelle.

— Je la lui ai déjà fait savoir, répliqua Moreau, et il doit vous attendre maintenant dans la cour d’honneur.

— Je vais l’y retrouver, dit le franciscain en reprenant son bâton. Vous remercierez le comte en mon