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au bord du lac.

— Lequel donc ? mon révérend.

— Votre intendant a fait emprisonner hier le fils d’un de vos serfs.

— En effet, il m’a parlé d’un jeune drôle qui avait refusé d’obéir.

— J’ai promis de solliciter sa grâce.

— La grâce de Jehan, s’écria maître Moreau ; n’en faites rien, monseigneur ; vos manants deviennent chaque jour plus difficiles à conduire ; il faut un exemple, vous-même vous l’avez dit.

— C’est la vérité, reprit le comte ; mais je ne savais pas que le père gardien s’intéressât à ce vaurien.

— Dieu sera pour nous ce que nous aurons été pour les autres, fit observer Ambroise, et il ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné.

Raoul parut incertain. L’intendant s’aperçut qu’il était ébranlé, et craignant de perdre sa vengeance :

— Monseigneur n’a pas oublié que ce Jehan a déjà été mis à l’amende pour avoir voulu frauder le droit de four en cuisant son pain chez lui, et pour avoir aiguisé son soc de charrue sans payer la taxe.

— Ah ! diable, interrompit Raoul.

— De plus, il a rompu un jour les laisses des chiens de monseigneur, sous prétexte qu’ils fourrageaient son avoine.

— Est-ce vrai ? dit le comte plus animé.

— Quant au daim qui a été tué sans qu’on ait pu découvrir par qui…

— Eh bien ?