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le serf.

robe de moine, s’écria-t-il en remettant sur la table son hanap d’or qu’il venait de vider. Holà ! mon père, venez vous asseoir à ma table, et vous autres, faites place au révérend.

Les convives s’empressèrent de se serrer, et le Père Ambroise vint se placer presque vis-à-vis du comte qu’il salua.

— Si je ne me trompe, reprit Raoul, vous appartenez aux franciscains de Tours.

— J’en suis le père gardien, répondit le moine.

Le comte releva la tête.

— Ah ! fort bien, reprit-il d’une voix moins rude ; j’ai toujours aimé votre maison, mon révérend, et je voulais même vous aller voir pour une affaire… N’accordez-vous point à des laïques la permission de porter, pendant un jour chaque mois, la robe de votre ordre ?

— Il est vrai, monseigneur.

— Et en la revêtant, on a droit aux indulgences qui vous sont accordées à vous-mêmes ?

— Pourvu que l’on revête en même temps notre esprit d’amour et d’humilité, reprit le Père Ambroise ; cette robe de moine portée par les hommes du siècle n’a d’autre but que de les rappeler à la piété des cloîtres.

— Je sais, dit Raoul ; mais il faudra que vous m’accordiez cette faveur, père gardien ; à cette condition vous pouvez me demander pour votre couvent tel avantage qu’il vous plaira.

— Si j’osais, j’en demanderais tout de suite un pour moi-même, dit le Père Ambroise.