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au bord du lac.

L’affection singulière qui semblait unir ces deux enfants était d’autant plus remarquable que jamais peut-être la nature n’établit entre deux êtres de plus frappantes oppositions. Catherine était grande et bien faite ; tous ses traits avaient une douceur élégante, tous ses mouvements une souplesse gracieuse. Rien qu’à la voir on se sentait lui vouloir du bien, et le sourire bienveillant qui entr’ouvrait toujours ses lèvres vous obligeait à répondre par un sourire pareil. Jehan, au contraire, avait la taille courte, épaisse et gauche ; ses traits moroses étaient affadis plutôt qu’adoucis par la chevelure héréditaire qui avait fait donner à l’un de ses ancêtres le nom de Lerouge. Né fils de serf, et sans cesse froissé, depuis qu’il avait pu sentir, dans sa volonté et dans ses sentiments, tout son être avait je ne sais quelle expression de contrainte, de malheur et de révolte qui lui donnait quelque chose de repoussant. Ce n’était qu’avec son père et sa cousine Catherine qu’il se montrait soumis : pour eux rien ne lui coûtait, le louveteau devenait un agneau, sa laideur prenait même alors une sorte de grâce.

Tout du reste se résumait pour Jehan dans ces deux amours. Son père était toute sa famille, et Catherine tout son avenir, car il devait l’épouser un jour ; la mère de la jeune fille l’avait promise, et il ne restait plus à obtenir que le consentement du seigneur qui n’avait point l’habitude de refuser de telles demandes.

Cependant les deux enfants avaient achevé de met-