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l’esclave.

essayèrent seuls de résister. Écrasés par le nombre, tous tombèrent frappés par devant, et entourés de cadavres ennemis.

Morgan et Arvins furent relevés mourants de cette sanglante couche. Comme on espérait obtenir d’eux quelque utile révélation, ils furent déposés dans des cachots séparés, où l’on pansa leurs blessures.

Tous deux revinrent à la vie ; mais l’interrogatoire ni les tortures ne leur firent trahir leurs complices. Les bourreaux durent s’avouer vaincus, et les deux Armoricains furent jetés dans la prison commune où l’on déposait les victimes destinées aux bêtes.

Lorsqu’Arvins et Morgan se revirent, ils se tendirent la main sans se parler, et s’assirent l’un près de l’autre. Tous deux avaient été trompés dans leur dernier espoir, et ils allaient mourir vaincus ! Il y eut un assez long silence.

— Ma mère ne sera pas vengée ! dit enfin Arvins d’un air sombre.

— Nos dieux ne l’ont pas voulu, répondit Morgan.

— Qu’est-ce donc que tes dieux ? répliqua amèrement le fils de Norva. Ils ne peuvent ni nous défendre au foyer, ni nous protéger dans l’esclavage ; pourquoi les adorons-nous s’ils manquent de puissance ? et s’ils en ont, pourquoi nous abandonnent-ils ? Les dieux de Rome sont les seuls vrais ; car ils sont les seuls qui conservent les libertés.

— Invoquons-les alors, dit Morgan dédaigneusement. Crois-tu qu’ils entendent la voix d’un esclave ?