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l’esclave.

— J’ai quinze ans, répliqua Arvins avec impatience.

— Tu n’as point l’âge des guerriers, tu le sais : pour soutenir le grand nom que tu portes, il faut des bras plus exercés et plus forts. Morgan l’a dit, et moi je te défends de prendre part à cette révolte.

— J’obéirai, ma mère, répondit Arvins d’une voix sourde, et les yeux gonflés de larmes.

Norva attira sa tête sur ses genoux avec cette caressante compassion des mères, et le baisant au front :

— Ne te chagrine pas, enfant, reprit-elle, tu arriveras à l’âge d’homme, et alors je n’aurai plus aucun pouvoir sur toi ; tu seras maître de choisir un champ de bataille où tu le voudras ; mais d’ici là, laisse-moi user de mon autorité pour préserver ta vie ; que je puisse jouir de ces dernières joies de la mère qui sent que son fils va sortir de l’enfance et lui échapper. Hélas ! bientôt tu ne seras plus à moi ! tu appartiendras à tes passions, à ta volonté, à une autre femme peut-être… Ne me regrette pas ces dernières heures de royauté, et ne te révolte pas contre la tendre tyrannie de celle qui t’a donné le jour. Aujourd’hui je berce encore l’enfant dans mes bras, demain ce sera un homme, et je ne serai plus mère qu’à moitié ; car je ne pourrai plus le protéger.

Norva avait prononcé ces mots avec une voix si triste et si douce, qu’Arvins en fut attendri ; il la serra sur son cœur en l’appelant des noms les plus tendres, et lui promit de se soumettre sans regrets à tous ses désirs.